Hommage Grand Homme
Henri Grouès, dit
Abbé Pierre
(1912 - 2007)
Biographie de l'abbé Pierre :
Henri Grouès, sous le nom de l'abbé Pierre, s'engage dans la résistance où il aide des juifs à se cacher. Recherché par la Gestapo, il rencontre le général De Gaulle en 1943 à Alger. Après la guerre, il est élu député de Meurthe-et-Moselle de 1945 à 1951. En 1949, il fonde "Emmaüs" communauté de chiffonniers construisant des logements provisoires pour les "sans domicile".
Lors de l'hiver rigoureux de 1954, l'abbé Pierre lance à la radio un appel à "l'insurrection de la bonté" en faveur des sans-logis, déclenchant un vaste mouvement de solidarité. Il est également entendu par le Parlement qui, quelques semaines plus tard, décide de lancer un programme de 12000 logements d'urgence.
L'association d'Emmaüs s'internationalise et comprend de nombreuses communautés dans près de quarante pays. En 1988, il crée la "Fondation de l'abbé Pierre" pour le logement des défavorisés. Le Président de la République le fait Grand Officier de la Légion d'Honneur en 2001.
Le 1er février 2004, cinquante ans après son appel pour "l'insurrection de la bonté", il réitère son appel, et s'engage avec Emmaüs pour un nouveau "Manifeste contre la pauvreté" dans un pays où il y a cinq millions d'exclus, dont un million d'enfants.
Toute sa vie durant, avec son franc-parler qui tranche avec le langage policé des autorités catholiques, l'abbé Pierre mène une croisade pour défendre les plus pauvres. Aujourd'hui, il passe un mois sur deux dans la solitude austère et la prière dans un couvent de capucins en Normandie.
Dans son recueil de méditation, "Mon Dieu... pourquoi?" (Plon, 2005), l'abbé Pierre affiche des positions relatives au célibat des prêtres, à l'ordination des femmes et à l'homosexualité, à l'opposé de celles du pape Benoît XVI. Voir les articles de Libération (28/10/05), L'abbé Pierre lui aussi est monté au septième ciel et du Canard enchaîné (02/11/05), Copulons !... Pourquoi ?.
1996 - L'affaire Roger Garaudy
Le très éclectique intellectuel français Roger Garaudy publie "Les mythes fondateurs de la politique israélienne" contenant des thèses négationnistes selon lesquelles la Shoah serait un mythe créé pour permettre le financement et la construction de l'Etat d'Israël.
Sans doute imprudemment, l'abbé Pierre qui ne connaît le livre que par ouï-dire, apporte son soutien à son ami Roger Garaudy. Dans Josué, un des livres de la Bible, il pense voir dans le massacre du peuple de Canaan par les Hébreux, le même geste génocide que celui de la fondation d'Israël envers les Palestiniens. Il pense que les Juifs ont rompu l'Alliance conclue avec Dieu et s'en prend à la politique d'Israël. "Je constate qu'après la constitution de leur Etat, les Juifs, de victimes, sont devenus bourreaux." En outre, dans le Corriere della Serra, il dénonce la presse inspirée par le "lobby sioniste international".
L'abbé Pierre est alors victime d'un véritable lynchage médiatique. Il est exclu de la Ligue Internationale Contre le Racisme et l'Antisémitisme (LICRA) dont il était membre du comité d'honneur. L'archevêque de Paris, le Cardinal Lustiger, lui demande de se retirer de la vie médiatique. Le fondateur d'Emmaüs apprend à ses dépens combien est floue la frontière entre antisémitisme, antijudaïsme et critique de la politique d'Israël.
Après quelques hésitations, L'abbé Pierre retire ses propos dans une courte déclaration au quotidien "La Croix", en laissant "Dieu seul juge des intentions de chacun".
Malgré cette affaire qui consterne l'opinion, l'abbé Pierre ne perd rien de sa popularité. On aurait pu croire au miracle. Cependant, l'abbé Pierre confie au journal Libération : "Il y a longtemps que je n'avais pas vu autant de personnes venir me dire : Merci, parce que vous avez eu le courage de mettre en cause un tabou".
Quelques ouvrages de la bibliographie de l'abbé Pierre :
Une terre et des hommes (1994), Absolu (1994), Testament (1994), Dieu merci, (1995), Le bal des exclus (1996) Mémoires d'un croyant (1997), Fraternité (1999), Paroles (1999), C'est quoi la mort ? (1999), Miettes de vie (1999), En route vers l'absolu (2000), Confessions (2002), Je voulais être marin, missionnaire ou brigand : carnets intimes et pensées choisies (2002), Mon Dieu... pourquoi ? (2005).
Quelques citations de l'abbé Pierre :
"Les blasphèmes qui montent en multitude de la terre ne sont pas lancés contre Dieu vrai, contre Dieu Amour. Ils sont lancés à la face des faux dieux, façonnés par les égoïsmes, les hypocrisies, les intérêts politiques. Le seul blasphème, c'est le blasphème contre l'amour"
(Mémoires d'un croyant / 1997)
"On ne possède vraiment que ce que l'on est capable de donner. Autrement on n'est pas le possesseur, on est le possédé."
(Dieu et les Hommes / 1993)
"Il n'y a que les hommes pour tuer un million d'entre eux pour la victoire d'un chef : des hommes qui ne se connaissent pas s'entre-tuent sur l'ordre de chefs qui se connaissent et ne s'entre-tuent pas, chefs qui signeront la paix en se serrant la main, un verre de champagne dans l'autre."
(Absolu / 1994)
"J'ai arrêté d'envoyer de vieux habits à l'abbé Pierre : il ne les met jamais."
(José Artur / Les pensées)
L'abbé Pierre est mort le 22 janvier 2007
L'abbé Pierre, défenseur des pauvres et fondateur d'Emmaüs et une des personnalités les plus populaire de France, est mort dans la nuit de dimanche à lundi à l'hopital du Val de Grâce à Paris à l'âge de 94 ans.
"L'abbé Pierre est mort cette nuit à 05H25 au Val de Grâce entouré de quelques proches", a annoncé Martin Hirsch, président d'Emmaus France. "L'infection pulmonaire pour laquelle il avait été hospitalisé après une amélioration tout au long de la semaine l'a finalement emporté", a-t-il ajouté.
L'abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, fondateur de la première communauté Emmaüs en 1949, avait été hospitalisé le 18 janvier pour une bronchite. Il avait 94 ans. Il avait souhaité, pour épitaphe, la phrase: "Il a essayé d'aimer". "Pour moi la mort n'est pas vraiment une séparation mais une continuation. c'est comme sortir de l'ombre pour entrer dans la lumière", confiait l'abbé Pierre.
Parmi les très nombreuses réactions, Jacques Chirac s'est déclaré "bouleversé" par la nouvelle. "C'est toute la France qui est touchée au coeur", a souligné le président de la République, ajoutant que celle-ci perd "une immense figure, une conscience, une incarnation de la bonté". Le président a rappelé le premier combat de l'Abbé Pierre, au sein de la Résistance. Il "représentera toujours l'esprit de révolution contre la misère, la souffrance, l'injustice".
ADIEU L'ABBE, TU NOUS MANQUERAS A TOUS